Sujet 0 et corrigé Bac Droit STMG 2021


Sujets 0 en Droit Session 2021
DROITSujetCorrigé

Mise en situation

Geoffrey, pour financer ses études de droit, crée sa microentreprise et conclut un contrat de partenariat avec la société VELOFOOD. Cette société gère une flotte de livreurs à vélo au moyen d’une plateforme en ligne. Dans le cadre de son contrat, Geoffrey sillonne trois fois par semaine les rues de Rouen pour livrer des repas à domicile. Au cours d’une livraison, Geoffrey chute de son vélo et subit de multiples fractures au bras. Immobilisé, il ne peut plus assurer ses livraisons. Deux semaines plus tard, la société VELOFOOD annonce à Geoffrey, par courriel, qu’elle se sépare de lui au motif qu’il ne remplit plus les obligations contractuelles définies à l’article 3 de son contrat. Dans les trois jours qui suivent, une lettre recommandée avec avis de réception lui est envoyée pour confirmer la résiliation du contrat le liant à la société VELOFOOD. Geoffrey, sachant qu’il va rencontrer rapidement des difficultés financières, souhaite demander la requalification de son contrat en contrat de travail.

1. Résumez les faits en utilisant des qualifications juridiques.

2. Développez l’argumentation juridique que Geoffrey peut avancer pour demander la requalification de son contrat de travail.

3. Présentez les arguments que la société VELOFOOD peut lui opposer.

4. Expliquez les enjeux de l’arrêt du 4 mars 2020 pour les sociétés utilisant des plateformes numériques.

CORRIGE

1. Résumez les faits en utilisant des qualifications juridiques.

Geoffrey MEYER est micro-entrepreneur. Travailleur indépendant, il effectue pour le compte d’un donneur d’ordre, la société VELOFOOD des livraisons à vélo de repas à domicile. Ce travail est effectué dans le cadre d’un contrat de prestations de service.

Victime d’une chute de vélo, Geoffrey ne peut plus assurer ses livraisons et la société VELOFOOD lui signifie, dans les délais prescrits, la résiliation du contrat pour manquement à son obligation d’assurer lesdites livraisons.

2. Développez l’argumentation juridique que Geoffrey peut avancer pour demander la requalification de son contrat en contrat de travail.

Le contrat de travail est caractérisé par l’existence d’un lien de subordination, élément permettant de le différencier du contrat d’entreprise (ou contrat de prestation de service) entre une entreprise et un micro-entrepreneur. Dans le contrat de travail, le salarié : exécute un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.

D’après l’arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2020, lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du service proposé par le microentrepreneur, un indice de lien de subordination est constitué.

En l’espèce, le contrat de Geoffrey fait état d’obligations qui montre l’existence d’un lien de subordination :

– l’article 3 oblige Geoffrey à se connecter à la plateforme de la société VELOFOOD 3 fois par semaine sur des plages horaires fixées par VELOFOOD ;

– l’article 5 limite la liberté vestimentaire de Geoffrey puisqu’il est obligé de porter une tenue vestimentaire et d’utiliser des accessoires à l’effigie de la société VELOFOOD ;

– l’article 6 impose à Geoffrey de prévenir au moins 4 jours à l’avance la société s’il est dans l’incapacité d’assurer une livraison ;

– les articles 4 et 7 montrent que c’est la société VELOFOOD qui fixe la rémunération de Geoffrey, la tarification et les courses à réaliser. La facturation est même du ressort de la société ;

– l’article 8 interdit à Geoffrey de travailler pour une société concurrente ou de livrer à des clients n’appartenant pas à la société VELOFOOD.

En conclusion, les éléments caractérisant le lien de subordination sont réunis dans le contrat liant Geoffrey à la société VELOFFOD. Toute situation contractuelle induisant un lien de subordination peut être requalifiée en contrat de travail par les juges du fond (pouvoir d’appréciation de celui-ci). Ainsi, il peut saisir la juridiction prud’homale pour demander la requalification de son contrat de prestataire en contrat de travail.

La rupture du contrat sera alors soumise aux règles du licenciement abusif, aucune cause réelle et sérieuse n’étant relevée en l’espèce. Geoffrey Meyer aura droit aux indemnités prévues par le législateur.

3. Présentez les arguments que la société VELOFOOD peut lui opposer

1er argument

D’après l’article L 8221-6 du Code du travail (annexe 3), les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail avec le donneur d’ordre. Geoffrey Meyer a créé sa micro-entreprise pour pouvoir conclure un contrat de partenariat avec la société VELOFOOD. Un micro-entrepreneur est enregistré auprès du registre du commerce et de l’industrie.

De ce fait, le contrat qui lie Geoffrey Meyer et la société VELOFOOD n’est pas un contrat de travail mais un contrat de prestation de services.

Geoffrey Meyer, suite à une chute, ne peut plus réaliser les livraisons de repas à domicile pour le compte de VELOFOOD. Il ne respecte donc pas les obligations contractuelles nées du contrat de partenariat (annexe 1). La société VELOFOOD peut donc résilier le contrat.

L’inexécution des obligations contractuelles peut justifier la mise en œuvre par la société VELOFOOD de la responsabilité contractuelle de Geoffrey Meyer pour obtenir des dommages et intérêts.

2ème argument

Dans l’arrêt de la Cour de cassation du 3 juillet 2019 (annexe 2), le juge rappelle les éléments retenus définissant le lien de subordination. Mais, après analyse des éléments de fait, la Cour exclue l’existence du lien de subordination, même si « l’activité commerciale n’était déployée qu’au profit d’une seule société et contre rémunération », en retenant que le donneur d’ordre n’avait aucun contrôle sur le prestataire de service et ne prenait aucune sanction.

Des éléments du contrat entre Geoffrey Meyer et la société VELOFOOD permettent d’exclure la présence d’un lien de subordination de fait :

– article 2 : Geoffrey Meyer est libre de choisir son itinéraire de livraison.

– article 6 : Geoffrey Meyer peut s’absenter une journée sans avoir à se justifier auprès de la société.

– article 8 : Geoffrey Meyer peut travailler pour une société ou livrer des clients qui se situent en dehors de la zone géographique définie à l’article 2, à savoir la ville de Rouen Rive droite.

La société VELOFOOD ne limite pas l’activité économique de Geoffrey Meyer et lui laisse un espace de liberté pour organiser son travail et n’exerce aucun pouvoir de sanction.

Le lien de subordination ne peut pas être relevé en l’espèce, le contrat conclu est bien un contrat de prestation de services qui ne peut pas être requalifié en contrat de travail.

4. Expliquez les enjeux de l’arrêt du 4 mars 2020 pour les sociétés utilisant des plateformes numériques.

L’arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2020 relève l’existence d’un indice de lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail du contractant.

Si la jurisprudence tend à se confirmer, les sociétés des plateformes numériques peuvent être amenées à :

– modifier les relations avec leur prestataire de service en leur permettant de participer à l’élaboration du contenu du contrat d’entreprise. Ainsi, le contrat proposé n’aura plus la qualité de contrat d’adhésion mais sera un réel contrat négocié. La jurisprudence, par cette décision, replace la liberté contractuelle au centre du contrat qui lie une société exploitant une plateforme numérique et un prestataire de service. Pour rappel, la liberté contractuelle, au sens de l’article 1102 du Code civil, se définit comme le fait pour chacun d’être « libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi. » (1er enjeu)

– recruter des salariés et non plus faire appel à des prestataires de service. Ainsi, la décision de justice remettrait en cause le développement des plateformes numériques qui avaient pu, jusque-là, faire un usage sans limite du contrat d’entreprise pour assurer leur développement commercial. Recruter des salariés va contraindre ces sociétés à respecter les dispositions du Code du travail et de ce fait, à ne plus bénéficier de la souplesse organisationnelle que leur offrait la possibilité de faire appel à des prestataires de services. (2ème enjeu)

– élaborer un contenu contractuel plus souple. La décision de justice n’interdit pas aux plateformes numériques d’exercer leur activité en faisant appel à des prestataires de service. Elle relève simplement, en l’espèce, qu’au terme du contrat signé, la société exerce un réel pouvoir de contrôle sur le prestataire qui lui enlève toute liberté dans l’exercice de son travail. De ce fait, si la société qui exploite une plateforme numérique rédige des obligations contractuelles aux termes desquelles des choix d’organisation sont laissés au prestataire (et ainsi exerce moins de contrôle), le lien de subordination ne devrait pas être caractérisé. (3ème enjeu)

Si cette décision de justice se confirme, les magistrats, par leur position, peuvent inciter les pouvoirs règlementaires et législatifs à intervenir dans le domaine de « l’ubérisation » de l’économie. En effet, si quasi systématiquement, la justice requalifie les contrats liant les prestataires de service aux sociétés exploitant des plateformes numériques, ces sociétés ne se développeront plus, voire disparaîtront. Or, en fonction de l’évolution de l’activité économique, le gouvernement peut souhaiter favoriser le développement de cette forme d’organisation. (4ème enjeu)

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